Les jeunes lisent toujours, mais pas des livres »
Entretien avec la sociologue Sylvie Octobre, qui publie « Deux pouces et des neurones » sur les pratiques culturelles des jeunes de 15 à 29 ans.
Si les pratiques culturelles des jeunes ont changé, ceux-ci n’ont pour autant pas arrêté de se cultiver. C’est ce qu’explique Sylvie Octobre, chargée de recherche au ministère de la culture, dans son livre Deux pouces et des neurones, qui paraît mercredi 24 septembre. Dans un entretien avec Campus, l’auteure décrypte, sans parti pris, les usages des 15-29 ans en matière culturelle, très différents de ceux de leurs parents au même âge.
Les jeunes lisent moins de livres et, surtout, lisent moins pour le plaisir. La lecture n’est plus considérée comme la porte d’accès privilégiée au savoir et n’est plus synonyme de plaisir. Ce désamour pour les livres vient, à mon avis, du glissement de notre société de ce qu’on appelait les humanités vers le technico-commercial. Auparavant, les filières les plus prestigieuses nécessitaient une pratique assidue de la lecture. Or la lecture, en tant que loisir tout du moins, n’est plus vraiment obligatoire pour devenir ingénieur. Le français laisse peu à peu la place aux mathématiques.
Le numérique aussi a changé notre façon de lire : les séquences de lecture des jeunes sont plus courtes, souvent liées à leurs échanges écrits sur Internet, et donc sont très liées à la sociabilité. Les choix de lecture se font en interaction avec les autres, de plus en plus par des recommandations des pairs. Or lire un livre est, par nature, une activité plutôt longue et solitaire. A l’ère du numérique, la façon dont les jeunes construisent leur approche culturelle ne va pas naturellement vers la lecture. Pourtant, certains jeunes, statistiquement plutôt les filles, se tournent de nouveau vers la lecture comme activité à contretemps et déconnectée, comme pour stopper le flux d’informations continu qui leur parvient.
Il faut distinguer la littérature « classique » et les livres portés par les médias. Harry Potter, Twilight ou, plus récemment, Nos étoiles contraires se sont très bien vendus et sont très lus par les jeunes, parfois même en version originale. En fait, ils lisent toujours, mais moins de titres de la littérature classique.
Les 15-29 ans lisent des textos, Wikipédia, des blogs… Il y a bien des façons de lire. En réalité, on n’a jamais tant lu : des textes, des publicités, des articles, etc. Mais le goût pour la lecture de littérature baisse. Ces deux types de lectures sont différents. La lecture HTML est « additive », les liens et les articles se superposent les uns aux autres. Pour ne pas se perdre dans le flot d’informations, il faut construire une séquence de lecture. Il faut faire le tri, ne pas se perdre pour éviter la saturation informationnelle, le moment où l’on ne comprend plus rien à ce qu’on lit et où l’on tourne en rond. Ce sont des compétences très difficiles à acquérir.
L’école a son rôle à jouer dans ces évolutions. Au collège, les élèves se trimballent 15 kilogrammes de livres sur le dos toute la journée, qui sont des manuels scolaires. Le poids physique devient aussi un poids psychique, avec le temps. Les manuels donnent également du livre une image utilitaire. On note que les enfants en primaire lisent beaucoup, et ils aiment ça. Quand ils arrivent au collège, la lecture devient une contrainte, c’est l’effet pervers de la scolarisation de la lecture. De plus, les réseaux sociaux et la sociabilité sont si importants pour les adolescents pour se construire qu’il leur est difficile de s’en extraire et de construire des espaces de solitude pour lire.
Les jeunes continuent de sortir au cinéma, même s’ils consomment de plus en plus de films à la maison. Ils recherchent la qualité d’une expérience de sortie : le grand écran, la qualité de l’image, bien meilleure qu’un film téléchargé, la convivialité de la salle de cinéma où l’on peut aller avec ses amis ou son amoureux. Pour les jeunes qui vivent encore chez leurs parents ou en cité universitaire, il est difficile d’inviter toute sa bande de copains, surtout pour se masser autour d’un petit écran d’ordinateur, avec une connexion parfois insuffisante.
Le smartphone est devenu le premier terminal culturel des adolescents et jeunes adultes. Les jeunes regardent toujours la télévision, mais sur leur ordinateur ou leur téléphone. Les blogs, forums et chaînes musicales remplacent les radios, qui s’écoutent en podcast. La presse également est consommée essentiellement sur Internet. Seuls les magazines spécialisés ou thématiques résistent à cette tendance, comme ceux consacrés au sport ou à un chanteur. Aujourd’hui, les premiers pourvoyeurs d’info sont les réseaux sociaux. Un adolescent que j’ai rencontré lors d’une enquête m’a dit, très justement : « S’il y avait la guerre, je l’apprendrais sur Facebook. »
La recherche d’émotion et l’expression amateur sont les deux autres constantes qui émergent des pratiques culturelles des jeunes. Ils font de la photo, de la vidéo, du dessin et changent souvent d’activité dans ce milieu hyper ouvert qu’est Internet, immense champ de possibilités. Ils font un an de danse, puis un an de football, du chant, de la guitare, etc. Une sorte de zapping qui répond à leur curiosité et qui a le mérite de les enrichir de plein de choses.
Ces changements posent toutefois la question : qu’a-t-on en commun avec les générations précédentes ? Notre société est aujourd’hui issue d’un véritable brassage culturel, comme l’a montré la campagne du Musée de l’histoire de l’immigration de l’année dernière, et ses affiches qui rappelaient qu’« un Français sur quatre est issu de l’immigration ». Ce qui nous rassemble, ce n’est plus la religion. Ce n’est plus l’armée non plus, qui permettait autrefois de se forger une idée de la nation. Ce n’est presque plus l’éducation, à la fois parce que les profils étudiants sont diversifiés, mais aussi parce que les étudiants sont moins mobiles qu’avant. Depuis la régionalisation des universités, ils peuvent très bien faire le collège, le lycée et l’université dans la même ville.
Comment réduire la fracture numérique d’un côté et la fracture générationnelle de l’autre ? Mettre dans les mains des plus jeunes les textes anciens qui transitent à travers les générations, mais aussi, dans l’autre sens, former les personnes âgées aux nouvelles technologies, cela permet de créer du commun, de créer du lien intergénérationnel. C’est là tout l’enjeu des nouvelles politiques culturelles.
A lire : Sylvie Octobre, Deux pouces et des neurones, Ministère de la culture, « Question de culture », 288 pages, 12 euros
Source : https://www.lemonde.fr/campus/article/2014/09/24/les-jeunes-lisent-toujours-mais-pas-des-livres_4491903_4401467.html
Les jeunes lisent moins, mais dévorent les ouvrages qui leur sont destinés, parfois même en version originale.
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